Sexe et dépendance

Addicte du sexe ? Dépassé par le désir ? Atteint d’hypersexualité ?

Le sexe est au cœur de multiples implications, c’est un domaine profond (sans mauvais jeu de mots) et complexe. Il est le symbole du lien amoureux. C’est un rapprochement où l’intime se livre, où les pulsions « animales » ont leur place légitime, où le désir est autorisé, où l’on se rapproche au plus près possible de l’autre et de soi… Et où l’on s’oublie et se perd parfois !

Comment s’imbrique le rapport au sexe dans une relation aliénante, comment faire lorsque l’on dépend sexuellement d’un partenaire en particulier ? Comment diminuer les enjeux du sexe ? Que faire de cet élan du corps qui ressemble fortement à de la dépendance entremêlée d’évidence ? Comment traduire et interpréter ces signaux qui nous dépassent ?

Un des problèmes majeurs est la sensation d’exclusivité vis à vis de l’autre. On se figure que seule cette personne est capable de nous procurer ces sensations si douces. Un peu comme un drogué qui ne connait qu’un seul dealer car il a honte de sa pratique, le dépendant sexuel aura du mal à imaginer que son plaisir puisse-t-être procuré par une autre personne.

Il existe aussi le syndrome de dé-personnification du partenaire. C’est à dire de l’idéalisation de soi comme étant la cible d’un désir universel. Autrement dit, il arrive que l’on soit dépendant de sa valorisation par le sexe en se liant au plus grand nombre de partenaires possibles, soit les uns après les autres, soit en simultané. Ce type de pratique n’est bien entendu possible qu’avec d’autres personnes ayant cette même démarche. Et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes… pendant un temps du moins, car très vite, il devient délicat de construire de façon sereine sans, à un moment donné, heurter les limites de l’autre, voire les siennes. Ce qui se traduit généralement par des conflits extrêmement intenses !

Le sexe a toujours besoin d’un cadre lorsqu’il est vécu en couple afin de ne pas se perdre. Même chez les couples libertins ou échangistes, les codes sont très clairs, et toute dérogation à ces accords pré-établis sera vécu comme un trahison.

Regardons maintenant de plus près ce que contient l’acte sexuel qui le différencie à ce point de toute autre activité humaine. C’est vrai après tout, pourquoi ne considérons-nous pas le sexe comme une partie de golfe, un bon repas entre amis ou une pratique banale ?

A mon sens, le rapport sexuel revêt un enjeu fort pour bon nombre d’entre nous. Sans être exhaustif, voici quelques dimensions qui sont régulièrement impliquées :

•Le plaisir des sens amène à l’abandon, au lâcher prise

•Le désir est le langage du corps bien plus fort que le mental

•La reconnaissance dans l’abandon de l’autre comme étant une personne « à part »

•La valorisation de l’être dans les dimensions inaccessibles de l’inconscient

•Le lien privilégié et fort allant jusqu’à la fusion de l’intime

•La dimension sacrée de la force de vie qui sommeille en chacun de nous

•Le partage fugace et éphémère d’une puissance valorisante

•L’amour de soi transcendé par l’amour de l’autre, surtout pour les personnes en manque d’amour propre

•Un jeu de domination et de soumission qui nous connecte aux programmations fondamentales de nos cellules

•La recherche de l’état d’androgynat de la petite enfance (avant nos 3 ans) pour « retrouver » cette partie manquante de soi dans l’autre par la fusion des corps

•La mémoire de la découverte des premiers plaisirs sexuels lorsque nos parents, dont nous dépendions totalement pour vivre, ont inscrit en nous lors des toilettes et changements des couches.

Etc..

 

Bref, on le voit, la construction de l’être dans sa dimension humaine incarnée est fortement liée au rapport sexuel et à l’apprentissage de son corps dans la petite enfance.

Cet apprentissage du corps, s’il a été perverti par des adultes abusifs et maltraitants (viols, attouchements, agressions physiques, castrations psychologiques, etc…) est à la base d’un rapport aliénant au sexe à l’âge adulte.

Dans un article paru en mars 2012 dans le quotidien du médecin, le Pr FLORENCE THIBAUT, professeur de psychiatrie, hôpital universitaire et Université de Rouen/INSERM nous informe que :
“Les sujets présentant une addiction sexuelle peuvent être « addicts » au sentiment amoureux (drague compulsive, fixation amoureuse sur des partenaires inaccessibles– l’objet de leur amour est alors hyperidéalisé –, rapports amoureux compulsifs au cours desquels le sujet enchaîne les conquêtes amoureuses afin de ressentir en permanence un sentiment
amoureux). Le sujet peut être également « addict » à l’acte sexuel, avec des partenaires multiples (rapports sexuels compulsifs) ou sous forme de masturbation (autoérotisme compulsif). On retrouve la notion d’abus sexuel
dans l’enfance chez près des deux tiers des sujets”

La dépendance liée à l’acte sexuel vient d’une programmation de l’inconscient par des croyances décalées. On se sent alors « privilégié » d’être dans la position de celui ou celle qui est autorisé à accéder et partager ces instants proches de l’absolu et du lâcher prise intense. Sauf que dans cette vision privilégiée l’autre a le rôle de celui qui concède (ou pas) l’accès à ce monde. On devient donc dépendant de l’autre pour franchir la porte du plaisir et du bien-être.

Le pire c’est que dans cette soumission à l’autre, il arrive que l’on se laisse embarquer dans des pratiques, des rapports qui provoquent un déchirement intérieur, surtout si ce partenaire si précieux ne vous concède pas cette exclusivité qui est la vôtre.

S’ensuit alors la course à la séduction, on est prêt à faire n’importe quoi pour que l’autre sente l’intensité de ce que l’on donne soi-même, jusqu’à se négliger dans son intégrité !

Je me permet une petite parenthèse pour préciser que la dépendance au sexe ne concerne pas que les hommes, qui soit disant n’aurait que ça en tête, ou auraient la majorité de leurs neurones placés dans leur entrejambe ! Non, le femmes aussi sont soumises à l’addiction et à la dépendance sexuelle, c’est souvent accompagné d’une image sociale dégradante, alors on en parle moins. Je trouve d’ailleurs plus complexe pour les femmes de sortir de cette situation car la honte sociale vient s’ajouter à la honte de soi. A cela s’ajoute la situation maritale, car si cette femme est mère et conjointe, l’hypersexualité peut devenir un véritable enfer, soit elle est vécue au sein du couple avec une pression monstre, soit elle est vécue en dehors du couple (qui a de grandes chances d’exploser au passage) et vient s’ajouter la honte de l’adultère aux deux précédentes !

Alors que faire ?

Et bien commencer par accepter cette dépendance pour pouvoir en prendre conscience, puis aller chercher en soi ce qui est à l’origine de ce désamour de soi, de cette perversion. Cela peut se faire par un travail analytique, mais je favoriserais une approche plus proche du corps (méditation, hypnose, ostéopathie, etc…) afin de reprogrammer cette mémoire cellulaire pour la faire passer du désamour de soi (appris dans l’enfance) au respect de son intégrité morale, émotionnelle et surtout physique.

Laisser du temps et de l’espace avec votre partenaire dont vous êtes dépendant, apprenez à dire non ! En effet dire non à l’autre, c’est dire oui à une partie de vous-même, celle-là même qui renferme votre estime et votre amour-propre. Allez doucement, pas à pas, vers ce qui respecte votre propre vibration, votre propre énergie, votre estime de vous.

Plus vous serez en phase avec vos besoins, dans le respect de vous-même, plus il vous sera facile d’espacer ces entrevues qui laissent un goût amer bien qu’elles vous dépassent. 

Vous ferez également, avec le temps, la distinction entre votre envie et votre besoin. Bien que la limite soit ténue, elle est fondamentale pour sortir de cet état d’addicte au sexe de l’autre et à ce faux privilège qui vous met dans tous vos états. Pour décrire brièvement la distinction entre les deux, je dirais que vous pourrez identifier le besoin par une préoccupation “hors de vous même”, c’est pour apaiser une angoisse, pour répondre à une force qui manque de sérénité. Dans ce genre de moment, vous savez que ce n’est pas vous qui choisissez vos actes. Dans ces cas là, le seul but de votre démarche est de pouvoir vous libérer de ce qui vous pèse, afin de vous rendre plus disponible pour la suite que vous pensez inatteignable tant que vous n’avez pas croqué au fruit de votre désir. L’envie quant à elle est mue par une toute autre énergie, beaucoup moins puissante en effet, et ce manque de puissance est parfois perturbante quand on se réfère à la vision de l’inconscient collectif qui vous fait croire que l’amour rend aveugle, vous met le cœur en chamade, vous transporte au delà de vous même, etc… Le plus piégeant dans tout cela c’est le nombre de médias, de séries américaines, de films, de livres, qui véhicule cette vision de l’amour et du désir : on “tombe” amoureux, c’est plus fort que nous, l’adultère est justifié par un désir irrépressible qui ne peut que s’apparenter à de l’amour sincère pour ne pas s’écrouler sous le poids de sa propre culpabilité ! Je crois qu’il serait sage de regarder tout ces actes loin de la morale et du jugement afin de mieux cerner ce qui nous pousse à devenir tellement incapable de choisir nos actes et bien souvent de très mal le vivre à postériori.

La fonction première du cœur, sur le plan affectif est d’aimer, tout simplement. Lorsque vous êtes en état d’amour, vous ne ressentez pas de perturbations intenses et brève, vous êtes plus proche de la sérénité et du sourire intérieur. Cela montre bien que lorsque voter rythme cardiaque s’emporte, ce n’est pas par amour ! Dans ces cas là la sexualité revêt une toute autre dimension que je développe un peu plus en fin d’article.

D’après moi, la seule raison pour laquelle le cœur s’emballe, c’est la peur, la peur de perdre, la peur d’être en perte de contrôle, la peur de se sentir perdu, la peur de devoir faire face, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur d’être abandonné, etc… Vous savez, cette peur qui reste bien ancrée au fond du ventre et qui ne s’en va que lorsque l’autre vous touche, car alors vous n’avez plus le contrôle, c’est l’autre qui vous guide vers sa propre façon de diriger le navire, selon ses propres règles et son plaisir personnel.

Il en va de même pour le désir, il peut être profond, doux, serein et puissant d’une force tranquille apaisée, ou bien violent, court, lié à la possession, au désir d’être dépossédé de soi même, de s’abandonner, de laisser l’autre nous prendre (au sens propre comme au figuré) et nous emmener au nirvana terrestre du septième ciel. Ces deux énergies sont profondément différentes. Personne ne possède qui que ce soit d’autre que lui même, à aucun moment ! Ce n’est pas rabat joie, au contraire, c’est le fait de se bercer d’illusion éphémère que de définir le plaisir du sexe par ce bref moment de la jouissance, alors que l’amour partagé dans la sérénité apporte le bonheur d’être là avec l’autre dans une danse des corps qui participe à l’échange.

Puis enfin de se réapproprier la beauté de son désir. Le parage sexuel est un cadeau que vous offrez à l’autre, et non un privilège que l’autre vous octroie. Il n’est pas non plus question de marchandage, ou d’investissement, le moment est vécu par les deux personnes comme une parenthèse de vie où les deux parcourent ensemble un chemin vers l’ouverture à l’autre. Le sexe a une dimension divine, n’en déplaise aux religions extrémistes sur le sujet, et cette dernière contient toute la beauté de l’humanité, de la vie.

Il s’agit donc de voir votre sexe, votre désir et votre pratique sexuelle avec des yeux emplis de douceur divine pour vous ouvrir au partage véritable lors de vos ébats. Au final, a bien y regarder de près, rien ne vous appartiens dans tout ça, ni votre désir, ni celui de l’autre, ni le corps de l’autre, et pas même voter propre corps, puisqu’il réagit sans même demander l’avis à votre conscience ! C’est ce que l’on peut appeler le lâcher prise dans une confiance réciproque. Il n’est pas courant de s’autoriser à vivre ce genre de moments, peu de gens ont assez d’amour en soi pour accepter autant d’amour entre eux, l’autre, et le laisser s’exprimer à travers leur corps.

Et puis un jour, il vous sera simplement évident d’arrêter de côtoyer ce partenaire qui vous donne la sensation de vous mépriser, de ne pas vous respecter vous-même, vous n’en aurez simplement plus envie. Vous accéderez alors à une nouvelle forme de sexualité emplie de partage sincère, d’échange véritable dégagé de l’enjeu de la reconnaissance.

Vous accéderez alors au plaisir du jeu des sens entremêlés au plaisir de l’âme, c’est une réalité pour certains, et ce peut être aussi la vôtre !

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